Terre…terre

 

Le 17 février 1600, le philosophe et théologien italien Giordano Bruno est brûlé vif à Rome sur le campo dei fiori . Malgré des séances de tortures répétées par les bourreaux de la sainte inquisition, il n’a jamais renié les thèses, objets de ses recherches. En refusant de céder, il a choisi le bûcher…

Son crime ? reconnaître pour vraies et développer les théories de Copernic exprimées dans son livre «  De la révolution des orbes célestes » En effet, Bruno va encore plus loin que Copernic. Il affirme l’infinité de l’espace, la négation du caractère central non seulement de la terre mais de quelque planète ou étoile que ce soit. Il a la certitude qu’il existe dans l’Univers des mondes innombrables en mouvement comme le nôtre, que l’infini est comblé de vie. Selon lui, toutes choses composées doivent se dissoudre pour former de nouvelles figures. Cela est aussi vrai pour les astres. Il pressent la gravitation avant Newton lorsqu’il dit « …il y a circulation incessante de vie d’un globe à un autre… » Puis il ajoute « …il y a pluralité sans limites, éternité de la matière et du mouvement. » Il y  a, comme devait le dire plus tard Darwin, «  évolution perpétuelle ».

Bruno précise même Ô horreur «   Le genre humain là dedans n’a rien d’essentiel et il est impossible qu’il existe, une telle surface, une telle extrémité au delà de laquelle il n’y ait ni corps, ni vide, ni rien. Et si vous me dites qu’il y a Dieu, je vous réponds qu’il n’est pas de l’essence de Dieu de constituer la limite d’un corps matériel. La divinité n’est pas là pour combler les vides : il n’y a pas de centre, pas de bords, pas de haut, pas de bas, pas de lourd, pas de léger. »

 

Pour Giordano Bruno, la nature est mère de tout. Dans son élan cosmique il réhabilite la matière. Il lui rend son droit d’aînesse dont elle avait spoliée disait-il par les ânes de la théologie. Cela débouche sur une vision révolutionnaire. Pour lui, toute particule de matière est vivante. Evidemment, elle n’a pas une âme au sens ou nous l’entendons habituellement, mais elle a une activité sous jacente qui agira sur la matière selon les possibilités que celle-ci comporte. Leucippe, Démocrite, Epicure avaient déjà, 2000 ans avant parlé de la matière constituée de particules et de vide : les atomes. Bruno, lui pressent l’énergie qui en est la caractéristique que nous savons maintenant être l’énergie électromagnétique.

 

Tout cela était si loin des histoires de croque-mitaines et de spectres que l’on se racontait le soir à la veillée sous les tentes du désert de Judée. Mais c’était compter sans le pouvoir de vie ou de mort que donnait le recueil de ces légendes aux puissants  qui l’utilisaient pour

asseoir « leurs avantages acquis ». Et nous savons où celà a conduit Giordano Bruno un triste jour de février 1600…

 

Bruno avait un ami et un admirateur en la personne de Galiléo Galiléi. Bruno avait 18 ans de plus que Galilée. Celui ci, reprenait les idées de  Bruno en les poussant encore plus loin et en voulant les rationaliser scientifiquement. C’est ainsi, qu’avec une lunette de sa fabrication, il avait aperçu des montagnes sur la Lune , il avait découvert les phases de Vénus ainsi que 4 Lunes qui tournaient loin autour de la planète Jupiter. Il avait même compris la voie lactée, non pas comme le chemin de saint Jacques, mais comme une quantité infinie d’étoiles…

Comme de bien entendu, Galilée professait que la terre n’était pas le centre de l’univers, que le Soleil était fixe et que toutes les planètes tournaient autour. Encore une foi, la bible était prise en défaut et pour certains ridiculisée. Galilée qui était une forte tête avait bravé l’inquisition. Il avait pourtant vécu le drame de Giordano Bruno. Peut-être pensait-il que la rigueur scientifique l’emporterait sur le livre du désert.

Non ! il a eu son procès, comme les autres…Il n’a pas eu le courage de son ami. On a exigé qu’il rétracte ses affirmations scientifiques, ce qu’il a fait, selon des termes qu’il est bon de rappeler. Cela se passait le 22 juin 1633, il avait 69 ans.

« Moi, Galiléo Galiléi, comparaissant en personne devant ce tribunal et agenouillé devant vous, Très Eminents et Révérends Cardinaux, Grands inquisiteurs dans toute la chrétienté contre la perversité hérétique, moi, les yeux sur les très saints évangiles que je touche de mes propres mains.

Je jure que j’ai toujours cru, que je crois à présent et que, avec la grâce de dieu, je continuerai à l’avenir de croire tout ce que la Sainte Eglise catholique, apostolique et romaine tient pour vrai, prêche et enseigne.

Mais après que le Saint Office m’eut notifié l’ordre de ne plus croire, ni maintenir, ni défendre ni enseigner soit oralement, soit par écrit, cette  fausse doctrine, que le Soleil est le centre du monde et immobile et que la terre n’est pas le centre du monde et qu’elle se meut.

 Après qu’il m’eut été notifié que ladite doctrine était contraire à la sainte écriture  parce que j’ai écrit et fait imprimer un livre dans lequel j’expose cette doctrine condamnée, en présentant en sa faveur une argumentation très convaincante, sans apporter aucune solution définitive.

J’ai été de ce fait, soupçonné véhémentement d’hérésie, c’est à dire d’avoir maintenu et cru que le Soleil est au centre du monde et immobile et que la terre , n’est pas au centre et se meut.

Pour ce, et voulant effacer dans l’esprit de Vos Eminences et de tout chrétien fidèle ce soupçon véhément à juste titre conçu contre moi, j’abjure et je maudis d’un cœur sincère et avec une foi non simulée les erreurs, hérésies et entreprises contraire à la Sainte Eglise.

Je jure à l’avenir de ne plus rien dire ni affirmer de voix et par écrit, qui permette d’avoir de moi un semblable soupçon, et s’il devait m’arriver de rencontrer un hérétique ou présumé tel, je le dénoncerai à ce Saint Office, à l’Inquisiteur ou à l’ordinaire de mon lieu de résidence.

Je jure aussi et je promet d’accomplir et d’observer strictement les pénitences qui m’ont été ou me seront imposées par ce Saint Office. Si je contrevenais, à ce que Dieu ne veuille, à l’une de mes promesses et serments, je me soumettrais à toutes les peines et châtiments qui sont imposées et promulguées par les Sacrés Canons et les autres Constitutions générales et particulières de la Sainte Eglise Catholique contre de semblables délinquants.

Avec l’aide de Dieu et des Saints évangiles que je touche de mes

Mains, moi, Galiléo Galiléi soussigné, j’ai abjuré, juré, promis et engagé comme ci-dessus et en foi de quoi, pour attester la vérité, de ma propre main, j’ai signé la présente cédule de mon abjuration et je l’ai récitée mot à mot, à Rome, dans le couvent de la Minerve , le 22 juin 1633. »

On imagine la souffrance morale de ce scientifique qui savait de quoi il parlait et de plus, dont les travaux l’avait conduit à déjà pressentir la relativité.

Notre monde moderne est-il vraiment affranchis de ces superstitions et de l’adoration rendue au livre de Yavé ?  Sans doute pas. La liberté de l’esprit illuminera-t-elle un jour notre espace, peut-être jamais tant que cette ombre s’y projettera. A moins que… il y a un choix à faire… J’en appelle alors au latin Lucrèce né vers 100 av N.E. Je choisi de lui un texte au hasard et le partage avec vous… Il est intitulé « Eloge à Epicure » mais il pourrait aussi bien s’appeler « Eloge à Lucifer » le porteur de lumière.

« La vie humaine, spectacle répugnant, gisait

sur la terre, écrasée sous le poids de la religion,

dont la tête surgie des régions célestes

menaçait les mortels de son regard hideux,

quand pour la première fois un homme, un Grec,

osa la regarder en face, l’affronter enfin.

Ni le prestige des Dieux, ni la foudre ne l’arrêtèrent,

non plus que le ciel de son grondement menaçant.

Mais son ardeur fut stimulée au point qu’il désira

forcer le premier les verrous de la nature.

Donc, la vigueur de son esprit triompha, et dehors

s’élança, bien loin des remparts enflammés du monde.

Il parcouru par la pensée l’univers infini.

Vainqueur, il revint nous dire ce qui peut naître

ou non, pourquoi enfin est assigné à chaque chose

un pouvoir limité, une borne immuable.

Ainsi, la religion est soumise à son tour,

piétinée. Victoire qui nous élève au ciel !

 

Bel exemple de liberté de pensée.

Pour être enfin libre de tout dogme et être le frère de tout homme peut-être suffit-il, simplement de faire prévaloir le rationnel sur l’émotionnel ? Qui osera encore s’y engager ?

 

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