Un choc de Titans : Saül  et  Augustin  contre  Pélage.

                                          

Projetons-nous au 3 ème et 4 ème siècle de notre ère dans ce bassin méditerranéen ou se prépare un choc d’une extrême violence entre deux cultures d’origine totalement différentes. Les puissances antagonistes sont pour le moyen orient Saül de Tarce dit saint Paul et saint Augustin et,  pour l’occident Pélage.

Le concile de Nicée en l’an 325 a été l’occasion d’un grand ménage et d’une remise au carré des différentes tendances du christianisme. L’empereur Constantin, avec l’organisation de ce concile « obligatoire, tous frais de déplacement payés » pour chaque prélat, trace les nouveaux canons de cette religion. Il en définit les contours et élimine tout ce qui peu contrarier sa ligne directrice.

Il a ainsi liquidé les Ariens qui selon leur évêque chrétien Arius soutiennent que le christ qui était un prophète, cet à dire de nature humaine ne peut prétendre être le fils de Dieu. La mère de Constantin fait une « excursion » en Israël 300 ans après les évènements racontés par des récits enjolivés sur la vie et les œuvres de jésus de Nazareth. Elle  définit arbitrairement, selon sa vision d’historicienne personnelle les endroits ou sont situés les lieux saints correspondants à la vie publique du Christ et à sa passion. Ces lieux sont depuis sujets à adoration par tous les chrétiens du monde.

 

La jeune religion chrétienne se cherche encore, prise qu’elle est dans ses contradictions. Plusieurs écoles s’affrontent. Il existe deux centres principaux de théologie. Alexandrie qui se réfère à Platon, à tendance philosophique et Antioche qui se réfère à Aristote plutôt à vocation scientifique.

Les œuvres littéraires chrétiennes apparaissent vers le début du 3 ème siècle en Afrique romanisée. Il y a certainement un lien entre le fait que c’est en Afrique, à Alexandrie, qu’est réalisée la première traduction de la bible, antérieure à la vulgate de saint Jérôme. La plus importante église d’occident est Carthage. C’est là qu’est né Tertullien grand chrétien devant l’éternel et créateur de la langue théologique latine. A Rome, les chrétiens utilisent encore le grec.

 

Dans le monde chrétien, des questions sont posées sur la vraie nature du Christ, la réalité de la virginité de sa mère Myriam, comment comprendre la sainte trinité, le Saint Esprit…Cependant, il est une doctrine qui est acceptée d’emblée, c’est celle de Paul. Elle fait autorité.

 

Qui est donc Paul ? Il est le fils d’une famille juive pharisienne, éduqué dans la stricte observance de la Thora. Sa dévotion lui fait découvrir le péché partout. Il a conscience de son impuissance à observer et réaliser toutes les prescriptions de la Loi d’où son sentiment d’insécurité angoissée et de culpabilité démesurée au regard de cette Loi. Il se considère d’un physique insignifiant, ayant peu de voix. Il se dit « avorton » et cultive un sentiment d’infériorité. Il recherche donc sécurité et valorisation. Dieu seul peut le rassurer. Pour cela Paul veut avoir des certitudes, tenir une place à part et jouer un rôle unique auprès de Dieu. Et Dieu

doit pouvoir compter sur lui plus que sur tout autre. Paul doit dit-il, « être élu en titre et en fait »

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Il s’exprime par des élans d’admiration et d’amour. Exemple : (Romains I-1) « …Paul, serviteur de J.C. apôtre par élection, mis à part pour annoncer l’évangile de Dieu… » Ou bien encore « …et quand il plut à celui qui m’a distingué dès le sein de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce pour révéler son fils en moi… »

La hantise de la perfection amènera Paul à proclamer (galates III- 10) « …quiconque ne persévère pas dans l’accomplissement de ce qui est écrit dans le Livre de la Loi est maudit… »

Son sentiment de culpabilité est cause d’un tourment constant, face à un idéal jamais atteint. En effet dit-il (Rom VI 14/24) « … nous savons que la Loi est spirituelle, mais moi, je suis un être de chair, vendu au pouvoir du péché…Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort ?... »

L’ascétisme de Paul exige pour chacun une autopunition de renoncement systématique. Il précise (1 Cor IX 24) « …quiconque veut lutter s’abstient de tout…je traite durement mon corps et je le tiens en servitude « …ce qui est bon c’est de s’abstenir de viande et de vin (Rom XIV 21) ou encore (Cor VII-1)

« …il est bon pour l’homme de s’abstenir de la femme… » Et de persévérer par

(1 Cor VII- 8)  « …je dis aux célibataires  et aux veuves qu’il est bon de demeurer comme moi… »

Cette émotion sexuelle transparaît sans cesse chez Paul. Elle le conduit au mépris du corps, au mépris de la vie et à l’attrait de la mort. Il le revendique en déclarant (Philippiens I- 21) « …car Christ est ma vie et mourir représente un gain… »

La mort est ainsi évoquée par Paul à titre de symbole de l’amour idéal, fidèle en cela au Christ qu’il veut égaler : le fils de Dieu est mort sur la croix pour le rachat de l’humanité perdue dans ses péchés, prise dans les chaînes de Satan, asservie aux lois de la chair et de la mort.

Mais le chrétien ne peut obtenir le Salut par lui-même, en se détachant du péché. Ce Salut, il ne peut le recevoir que comme un don de Dieu, librement consenti par la grâce de la foi, que Dieu accorde selon son choix comme précisé dans Ephésiens II-8 « …c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Le salut ne vient pas de vous. Il est un don de Dieu… »

 

Ce qui se dessine dans les spéculations théologiques de Paul fera autorité chez les pères de l’église avec l’idée très marquée du péché originel, de la nature mauvaise de l’homme. Pour Paul, tout homme est coupable par le seul fait de sa naissance car dit-il, (Romains III- 23) « …tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu… »

C’est ainsi qu’Origène (185/254) de l’école d’Alexandrie qui tout en essayant de fournir une explication cohérente du dogme chrétien en cherchant à concilier christianisme et néo- platonisme ne trouve rien de mieux, pour échapper à la tentation de la chair, que de se mutiler.

                                                                                                                            

L’idée du péché héréditaire sera transformée en doctrine par la figure monumentale de saint Augustin l’africain !

 

Qui est saint Augustin ? Né en 354 à Thagaste, aujourd’hui Souk Ahras à l’ouest de Carthage.

Dès sa jeunesse il est soumis  à un insupportable dualisme. En effet, il est selon ses propres aveux, pris entre sa sensualité exacerbée qu’il assouvit cependant avec délice, et sa très chrétienne et sainte mère Monique qui ne rêvait que de faire de lui un bon chrétien comme l’était saint Paul.

Dès l’âge de 15 ans, selon son livre célèbre : les confessions, il confesse « …soumis aux buées qui s’exhalaient du fond limoneux de la concupiscence charnelle et du bouillonnement de la puberté je ne distinguais pas la clarté de l’affection du brouillard de la sensualité… »


A 19 ans, Augustin adopte un bon moyen pour stabiliser ses passions. Il se met en ménage avec une concubine avec laquelle il restera 15 ans. Il aura avec elle un fils, Déodat, le fruit de son péché précise-t-il.

 

Augustin fait de solides études. Il est professeur de rhétorique dans la capitale Carthage. Il est aussi auditeur libre chez les manichéens ce qui conjointement avec Monique entretient en lui le conflit car ceux-ci prêchent l’obligation de se libérer de la chair qui appartient au monde des ténèbres et enserre la lumière à laquelle appartient l’âme. Il reprend à son compte les paroles de Paul « …l’homme intérieur en moi prend plaisir à la Loi de Dieu. Mais, je vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de mon esprit et qui me tient captif sous la loi du péché, malheureux homme que je suis. (7 ème épitre aux Romains)

De quoi être angoissé, anxieux et déséquilibré.

 

Augustin a une admiration sans limites pour sa mère, il lui est totalement soumis, il ne peut rien lui refuser, il l’admire. En bonne méditerranéenne elle est possessive et omniprésente. Lui, sa propre conduite le déchire. Il avoue « …alors que je me vautrais dans la boue des bas-fonds malgré de fréquents efforts pour me relever, Monique, chaste, pieuse et sobre comme tu les aimes Seigneur, ne cessait à toutes les heures de prier et de se lamenter pour moi auprès de toi… » (Confessions III-11-20)

On ne sait qu’admirer chez cette femme, son énergie persévérante à suivre son fils ou la ferveur d’une foi nourrie d’intercessions dans laquelle Augustin reconnaît avoir toujours puisé le meilleur de la sienne.
Laissant pour un temps Carthage pour Rome, il y est gravement malade. Cette maladie dit-il aurait dû me conduire au tombeau…sans baptême ! Il est convaincu qu’il doit sa guérison aux prières de sa mère pendant sa maladie.

 

En 384, il quitte Rome pour Milan ou il rencontre l’évêque Ambroise qui a une forte influence sur lui. Sa mère Monique qui l’a encore rejoint prend alors très sérieusement le destin de son fils en main. Elle l’a toujours voulu catholique et

joue d’opportunité. Elle souhaite lui ouvrir la bonne société de Milan en lui   faisant contracter un riche mariage dans une famille honorée. La malheureuse concubine est la première victime de ce projet. Monique, sainte Monique exige sa répudiation. La malheureuse, l’innomée, qui avait été sa fidèle compagne pendant 15 ans qui était la mère de son fils, qui l’avait suivi pendant tout ce temps dans les bonnes et mauvaises fortunes, est virée. Augustin

la met dans un couvent en précisant tout simplement, sans complexes « …elle faisait à Dieu les vœux de ne plus connaître d’homme et me laissait le fils… » Mais le mariage projeté tardant à se réaliser, il prend pour quelque temps une autre femme pour dit-il « …suppléer aux tourments de la chair… » Et toujours ces sempiternelles contradictions venant du plaisir et du remord d’avoir sacrifié au plaisir.

 

Ces dualités exacerbent la sensibilité d’Augustin. Il cherche des signes envoyés par le ciel. Il en reçoit, pour lui, ils sont très clairs. Par exemple, celui-ci « …un jour que tu m’avais mis à la torture par un mal de dents qui s’exaspéra au point de m’ôter l’usage de la parole, une idée me vint au cœur : aviser tous les miens présents sur place qu’ils t’implorent en ma faveur, Dieu de toutes les sauvegardes. Je l’écrivis sur une tablette que je leur donnais à lire et soudain, à peine étions nous à genoux en posture de suppliants…le mal est parti !... »

Une autre foi, il ouvre au hasard un livre des œuvres de saint Paul et tombe sur une épitre aux romains XIII-13-14 qui ordonne «… pas de ripailles, pas de soûleries, revêtez-vous du seigneur Jésus … » Le verset 14 se termine par l’abjuration « …et ne vous souciez pas de la chair pour en satisfaire les convoitises… » Ces signes, ces messages ces mots de l’apôtre Paul sont comme une lumière dans son cœur.

Alors qu’il adopte une résolution de vertu, (Confessions 12-29-30) et en fils obéissant qu’il est, il prévient Monique qui remercie Dieu avec lui. C’est ainsi, que « …debout sur la règle de la foi… » Augustin prend les décisions qui vont engager toute sa vie. Il va se vouer à combler le fossé qu’il ressent entre le créateur et sa création. Classifier ce qu’est le bien et le mal, les relations entre Dieu et l’homme, la grâce et le péché, l’empire des cieux et ce bas monde, l’amour et le désir, la prédestination et la liberté.

Pour lui, l’idée même de liberté est une offense à Dieu.

Quand au mal, il est partout selon Augustin, même chez le nouveau né. Il porte le fardeau de sa propre naissance en disant « …qui me remémorera le péché de mon enfance ? …nul n’est devant Toi pur de tous péchés, pas même l’enfant qui n’a sur terre vécu qu’un jour… »

Ces élans de vertu et de sentiments de culpabilité le conduisent à marcher encore sur les voies de Paul mais aussi sur celles  d’Origène. Pour Paul « …Il est bon pour l’homme de ne pas toucher à la femme. Quiconque n’a pas d’épouse pense aux choses de Dieux, mais quiconque est lié par le mariage pense aux choses du monde et aux moyens de plaire à son épouse… » Et, s’inspirant du pieux et castré Origène, dans son délire mystique, Augustin ajoute « …Ah, si plus vigilant, j’avais apporté attention aux tonnerres de tes écritures, si j’avais écouté tes paroles ! Si plus heureux eunuque volontaire en vue du royaume des cieux   j’avais entendu tes embrasements… »

 

Pour Augustin l’homme est condamné dès sa naissance.  S’il voulait se sauver il ne le pourrait pas lui-même. Il n’en a pas les moyens en lui. Il est trop loin de Dieu. Il a besoin de la grâce du christ pout triompher du péché.

Ce qu’est la grâce ? Dans la pensée théologique, elle prend sa source dans les notions de salut et de rédemption. C’est la grâce de l’élection et du rachat dépendant chaque fois d’une intervention surnaturelle du fils de Dieu dans l’humanité. Cette humanité dont la nature est fondamentalement perdue depuis la chute d’Adam.

La grâce n’est pas donnée à tous. L’humilité est la disposition essentielle pour la mériter, mais pas forcément pour l’obtenir.

Augustin, après sa conversion est devenu une sommité du christianisme. Il fait autorité dans cet univers parfaitement réorganisé et policé par la jeune église catholique.

 

C’est alors qu’apparaît un homme qui osera se mesurer au grand Augustin. Il remet en cause la doctrine de la faute héréditaire, l’impossibilité de faire son salut sans la grâce divine, la prédestination.

Qui est cet homme ? C’est un barbare du très obscur et lointain royaume de Thulé. Il est venu des contrées les plus éloignées des brillants foyers de culture méditerranéens. Il est venu du bout du monde là ou règne la mer infinie. C’est d’ailleurs la mer qui lui a donné le nom avec lequel il est rentré dans l’histoire : Pélage, celui qui vient de la haute mer (pélagus). Pélage est Breton. Il est né en 360 au pays de Galle, région qui s’était vue imposer le christianisme.
Pélage, physiquement imposant, plein de fierté et de courage est doté d’une inaliénable passion de la liberté. Il reçoit une éducation de premier ordre.

Vers l’âge de 23 ans, il se rend à Rome, capitale de l’empire, siège de l’église, monopole de la culture et de la civilisation latine. Il étudie cette ville et reste indifférent et inaccessible aux  séductions du vice, à l’attrait des richesses des familles romaines qui l’accueillent. Il augmente son savoir.

Et c’est d’Afrique ou il s’est  replié pendant qu’Alaric ravage Rome que s’élève au grand jour la flamme de son hérésie qui avait déjà depuis quelque temps troublé les esprits dans le vaste cercle du clergé italien. Alors se découvre le vrai visage de cet « enragé en qui hurle le diable » et à qui l’évêque Jérôme, auteur de la « Vulgate » est trop content de rappeler ses origines barbares.

Dans l’histoire de l’église, les vices et les mœurs dissolues ont toujours trouvés leurs grands réformateurs. L’ambition de Pélage était tout autre. Pour lui ce n’est pas dans l’homme que se trouve la cause d’un phénomène de dépravation généralisée et le déclin de la foi, mais bien dans la doctrine chrétienne elle même. Il stupéfie ses contemporains en contestant la doctrine de la nature pécheresse de l’humanité. Il attribue le manque de responsabilité morale précisément à cette croyance en la rédemption. Il affirme dans son commentaire des 14 épitres de saint Paul que « …il n’est pas vrai que la situation malheureuse crée par Adam et Eve ait eu des conséquences terribles qui se soient transmises héréditairement à tous les hommes. L’insoumission à Dieu se perpétue chez l’homme par l’imitation et la force de l’habitude, non par l’hérédité…. » Il contredit la pensée d’Augustin en affirmant que « …tel qu’il est crée par Dieu, l’homme naît sans péché. Comment l’enfant qui vient au monde aujourd’hui pourrait-il porter la charge d’une faute qu’il n’a pas commise ? Comment les parents, sauvés par le sacrement du baptême pourrait-ils par des moyens physiques, par le plaisir charnel de l’accouplement transmettre une tare dont ils sont eux-mêmes déchargés ? Le péché n’est pas une substance comme le croient les manichéens, mais un choix devant lequel se trouve placé l’homme libre … »

L’homme peut donc vivre sans péché ? Oui répond Pélage, s’il le veut ! C’est dit-il, pure impiété que de taxer la justice divine d’un arbitraire par lequel Dieu aurait destiné les uns au bien, les autres au mal par simple caprice. Comme si Dieu, allait à sa guise se montrer bienveillant envers les uns et cruel envers les autres ? La doctrine de la prédestination est un véritable attentat à notre libre arbitre !

Il faut croire au sacré qui est en l’homme et la femme refuser l’idée que le démon puisse troubler leur vie. L’humain doit jouir d’une totale autonomie. Pélage dit et écrit

« …nous devons croire en notre propre force, apprendre à connaître et à exploiter nos propres ressources, car elles sont immenses. Nous possédons en nous-mêmes tout ce qu’il faut pour nous conformer au divin… »

En défendant sa thèse de la pureté de la nature humaine, en rétablissant la responsabilité humaine de la puissance de la raison et de la morale, Pélage effaçait d’un seul coup toutes les excuses par lesquelles les chrétiens se trompaient eux-mêmes. Il balayait tous leurs prétextes commodes pour expliquer leurs faiblesses et leur incapacité de renoncer au luxe et à la débauche. Il voulait réveiller leur conscience en les exhortant à ne pas s’en remettre passivement à la grâce et au salut divin. Il voulait les rendre actifs par son appel au libre arbitre. Voulant recréer l’unité absolue entre l’humain c'est-à-dire entre l’homme et la femme et Dieu, il refusait toute hiérarchie qui favorisait l’un et abaissait l’autre. En Celte qu’il était encore, il ne pouvait accepter l’idée que les malheurs de l’homme venaient essentiellement de la nature perverse de la femme. Il ne pouvait accepter les condamnations décrétées par Paul et reprises par Augustin telles que celles décrites dans Corinthien XI-5 « …car si une femme n’est pas voilée, qu’elle se coupe aussi les cheveux. Or s’il est honteux pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou d’être rasée, qu’elle se voile ! L’homme ne doit pas couvrir sa tête puisqu’il est l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l’homme. Et l’homme n’a pas été crée à cause de la femme, mais la femme a été crée à cause de l’homme. C’est pourquoi la femme doit avoir sur la tête à cause des anges une marque de l’autorité dont elle dépend, c'est-à-dire de l’homme ! … »

 

Comme ses adversaires, Pélage avait rencontré le divin, mais par d’autres chemins qu’eux. Il affirme que Dieu ne nous a pas fait pour que nous refusions de voir les joies de la vie, les merveilles de la nature et la beauté de tous les êtres. Je le cite à nouveau, en y intégrant une pensée personnelle sur les relations homme-femme « … est-il rien de plus affreux, de plus dur que de s’opposer à la nature, de refuser tout ce qui est crée pour nous dans le monde qui nous entoure, de ne pas voir cet univers qui s’impose à nous avec toutes ses merveilles. Ce serait se figer dans l’image de la mort que de n’être plus sensible à la vue, à l’ouïe, à l’odorat, au toucher, au goût et de ne plus posséder la nature corporelle dans la nature de son corps. Ce serait se détourner de ce qu’est véritablement la nature humaine… »

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Telle est la protestation de Pélage. C’est la révolte contre les divagations de Paul et d’Augustin particulièrement sur les définitions  du bien et du mal, du libre arbitre, de la prédestination et du sens des sacrements.

Mais la doctrine de Pélage qui enseigne l’innocence de l’homme et la pureté de la nature humaine est vite perçue comme le pire de l’hérésie et une menace pour la vérité officielle de l’église.  Dire que dès sa naissance, l’enfant avait accès à la vie éternelle, que l’homme naissait sans péché, c’était renier le baptême qui précisément lave l’homme du péché originel. Si l’on nie la transmission héréditaire du péché  d’Adam et d’Eve, si l’on nie le rachat de l’homme par la mort de jésus, que reste-t-il de la religion ?

Dire que l’homme peut de par sa nature même vivre dans le droit chemin, c’est vider de son sens le mystère de la croix. C’est affirmer que la perfection et le salut peuvent exister sans le christ et son église ! Que reste-t-il alors si l’homme est libre d’assurer par ses propres moyens sa vie éternelle. La croyance au christ rédempteur et ressuscité devient superflue et absurde.
Il y a confrontation violente. Augustin poursuit son frère « égaré » . Le synode de Jérusalem acquitte Pélage, malgré la réputation sans égale d’Augustin surtout en matière d’hérésies. Lors d’un second synode à Diapolis, en Palestine, Augustin échoue à nouveau.

A plusieurs reprises, alors qu’Augustin est sur point d’emporter la victoire, le pape lui-même vole au secours de Pélage. Il décrète que contre Pélage on a eu recours à de fausses accusations, prêté foi à des calomnies et jugé trop rapidement. Ainsi le pape Zozime réhabilite Pélage, celui qui a été injustement voué à la malédiction, dit-il. Pour Augustin et ses évêques, c’est insoutenable. Cela devient une guerre entre Carthage et Rome. Il s’adresse à l’empereur à Ravenne. Le 30 avril 418, l’empereur Honorius bannit de l’empire le chef de l’hérésie Pélage et son disciple Célestius. Le pape lâche Pélage, qui est mis au ban de l’église. A Carthage, Augustin passe précise-t-il, de « …l’obscure tristesse à la joie la plus intense… »


La « vérité » Augustinienne donc aussi celle de Paul a réussi à s’imposer à Ravenne, à Rome, mais aussi à tout l’occident, avec son cortège d’hypocrisie de tortures de crimes, de soif du pouvoir. Il s’en est fallu de peu pour que l’esprit de Pélage porteur d’une vision du sacré à dimension humaine souffle dans les sentiers étriqués de l’église et conquiert le monde, démontrant à l’humain que le sacré n’est pas que dans les temples, les églises ou les livres saints. La dure bataille entre ces deux titans aura duré 18 ans.

 

L’église victorieuse fait tout pour faire disparaître l’hérésie par la multiplication de missives et prêches, excommunications, interdictions d’accès aux sacrements, exils, destructions des textes hérétiques, terreur, etc.…Elle multiplie ses efforts pour étouffer les germes du Pélagisme qui réapparaissent de toutes part. Ce Pélagisme qui comme le dit l’évêque Julien à presque changé la face du monde.

 

Pélage à été déporté dans les sables du désert d’Arabie. On ne sait ce qu’il est devenu.

 

Hung !