Un choc de Titans : Saül
et Augustin
contre Pélage.
Projetons-nous au 3 ème
et 4 ème siècle de notre ère dans ce bassin méditerranéen ou se prépare un
choc d’une extrême violence entre deux cultures d’origine totalement différentes.
Les puissances antagonistes sont pour le moyen orient Saül de Tarce dit saint
Paul et saint Augustin et, pour
l’occident Pélage.
Le concile de Nicée en
l’an
Il a ainsi liquidé les
Ariens qui selon leur évêque chrétien Arius soutiennent que le christ qui était
un prophète, cet à dire de nature humaine ne peut prétendre être le fils de
Dieu. La mère de Constantin fait une « excursion » en Israël 300
ans après les évènements racontés par des récits enjolivés sur la vie et
les œuvres de jésus de Nazareth. Elle définit
arbitrairement, selon sa vision d’historicienne personnelle les endroits ou
sont situés les lieux saints correspondants à la vie publique du Christ et à
sa passion. Ces lieux sont depuis sujets à adoration par tous les chrétiens du
monde.
La jeune religion chrétienne
se cherche encore, prise qu’elle est dans ses contradictions. Plusieurs écoles
s’affrontent. Il existe deux centres principaux de théologie. Alexandrie qui
se réfère à Platon, à tendance philosophique et Antioche qui se réfère à
Aristote plutôt à vocation scientifique.
Les œuvres littéraires
chrétiennes apparaissent vers le début du 3 ème siècle en Afrique romanisée.
Il y a certainement un lien entre le fait que c’est en Afrique, à Alexandrie,
qu’est réalisée la première traduction de la bible, antérieure à la
vulgate de saint Jérôme. La plus importante église d’occident est Carthage.
C’est là qu’est né Tertullien grand chrétien devant l’éternel et créateur
de la langue théologique latine. A Rome, les chrétiens utilisent encore le
grec.
Dans le monde chrétien,
des questions sont posées sur la vraie nature du Christ, la réalité de la
virginité de sa mère Myriam, comment comprendre la sainte trinité, le Saint
Esprit…Cependant, il est une doctrine qui est acceptée d’emblée, c’est
celle de Paul. Elle fait autorité.
Qui
est donc Paul ?
Il est le fils d’une famille juive pharisienne, éduqué dans la stricte
observance de
doit pouvoir compter
sur lui plus que sur tout autre. Paul doit dit-il, « être élu en titre
et en fait »
2
Il s’exprime par des
élans d’admiration et d’amour. Exemple : (Romains I-1) « …Paul,
serviteur de J.C. apôtre par élection, mis à part pour annoncer l’évangile
de Dieu… » Ou bien encore « …et quand il plut à celui qui m’a
distingué dès le sein de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce pour révéler
son fils en moi… »
La hantise de la
perfection amènera Paul à proclamer (galates III- 10) « …quiconque ne
persévère pas dans l’accomplissement de ce qui est écrit dans le Livre de
Son sentiment de
culpabilité est cause d’un tourment constant, face à un idéal jamais
atteint. En effet dit-il (Rom VI 14/24) « … nous savons que
L’ascétisme de Paul
exige pour chacun une autopunition de renoncement systématique. Il précise (1
Cor IX 24) « …quiconque veut lutter s’abstient de tout…je traite
durement mon corps et je le tiens en servitude « …ce qui est bon c’est
de s’abstenir de viande et de vin (Rom XIV 21) ou encore (Cor VII-1)
« …il est bon
pour l’homme de s’abstenir de la femme… » Et de persévérer par
(1 Cor VII- 8)
« …je dis aux célibataires et
aux veuves qu’il est bon de demeurer comme moi… »
Cette émotion sexuelle
transparaît sans cesse chez Paul. Elle le conduit au mépris du corps, au mépris
de la vie et à l’attrait de la mort. Il le revendique en déclarant (Philippiens
I- 21) « …car Christ est ma vie et mourir représente un gain… »
La mort est ainsi évoquée
par Paul à titre de symbole de l’amour idéal, fidèle en cela au Christ
qu’il veut égaler : le fils de Dieu est mort sur la croix pour le rachat
de l’humanité perdue dans ses péchés, prise dans les chaînes de Satan,
asservie aux lois de la chair et de la mort.
Mais le chrétien ne
peut obtenir le Salut par lui-même, en se détachant du péché. Ce Salut, il
ne peut le recevoir que comme un don de Dieu, librement consenti par la grâce
de la foi, que Dieu accorde selon son choix comme précisé dans Ephésiens II-8
« …c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi.
Le salut ne vient pas de vous. Il est un don de Dieu… »
Ce qui se dessine dans
les spéculations théologiques de Paul fera autorité chez les pères de l’église
avec l’idée très marquée du péché originel, de la nature mauvaise de
l’homme. Pour Paul, tout homme est coupable par le seul fait de sa naissance
car dit-il, (Romains III- 23) « …tous ont péché et sont privés de la
gloire de Dieu… »
C’est ainsi qu’Origène
(185/254) de l’école d’Alexandrie qui tout en essayant de fournir une
explication cohérente du dogme chrétien en cherchant à concilier
christianisme et néo- platonisme ne trouve rien de mieux, pour échapper à la
tentation de la chair, que de se mutiler.
L’idée du péché héréditaire
sera transformée en doctrine par la figure monumentale de saint Augustin
l’africain !
Qui
est saint Augustin ? Né
en 354 à Thagaste, aujourd’hui Souk Ahras à l’ouest de Carthage.
Dès sa jeunesse il est
soumis à un insupportable dualisme.
En effet, il est selon ses propres aveux, pris entre sa sensualité exacerbée
qu’il assouvit cependant avec délice, et sa très chrétienne et sainte mère
Monique qui ne rêvait que de faire de lui un bon chrétien comme l’était
saint Paul.
Dès l’âge de 15
ans, selon son livre célèbre : les confessions, il confesse « …soumis
aux buées qui s’exhalaient du fond limoneux de la concupiscence charnelle et
du bouillonnement de la puberté je ne distinguais pas la clarté de
l’affection du brouillard de la sensualité… »
A 19 ans, Augustin adopte un bon moyen pour stabiliser ses passions. Il se met
en ménage avec une concubine avec laquelle il restera 15 ans. Il aura avec elle
un fils, Déodat, le fruit de son péché précise-t-il.
Augustin fait de
solides études. Il est professeur de rhétorique dans la capitale Carthage. Il
est aussi auditeur libre chez les manichéens ce qui conjointement avec Monique
entretient en lui le conflit car ceux-ci prêchent l’obligation de se libérer
de la chair qui appartient au monde des ténèbres et enserre la lumière à
laquelle appartient l’âme. Il reprend à son compte les paroles de Paul
« …l’homme intérieur en moi prend plaisir à
De quoi être angoissé,
anxieux et déséquilibré.
Augustin a une
admiration sans limites pour sa mère, il lui est totalement soumis, il ne peut
rien lui refuser, il l’admire. En bonne méditerranéenne elle est possessive
et omniprésente. Lui, sa propre conduite le déchire. Il avoue « …alors
que je me vautrais dans la boue des bas-fonds malgré de fréquents efforts pour
me relever, Monique, chaste, pieuse et sobre comme tu les aimes Seigneur, ne
cessait à toutes les heures de prier et de se lamenter pour moi auprès de
toi… » (Confessions III-11-20)
On ne sait qu’admirer
chez cette femme, son énergie persévérante à suivre son fils ou la ferveur
d’une foi nourrie d’intercessions dans laquelle Augustin reconnaît avoir
toujours puisé le meilleur de la sienne.
Laissant pour un temps Carthage pour Rome, il y est gravement malade. Cette
maladie dit-il aurait dû me conduire au tombeau…sans baptême ! Il est
convaincu qu’il doit sa guérison aux prières de sa mère pendant sa maladie.
En 384, il quitte Rome
pour Milan ou il rencontre l’évêque Ambroise qui a une forte influence sur
lui. Sa mère Monique qui l’a encore rejoint prend alors très sérieusement
le destin de son fils en main. Elle l’a toujours voulu catholique et
joue d’opportunité.
Elle souhaite lui ouvrir la bonne société de Milan en lui faisant
contracter un riche mariage dans une famille honorée. La malheureuse concubine
est la première victime de ce projet. Monique, sainte Monique exige sa répudiation.
La malheureuse, l’innomée, qui avait été sa fidèle compagne pendant 15 ans
qui était la mère de son fils, qui l’avait suivi pendant tout ce temps dans
les bonnes et mauvaises fortunes, est virée. Augustin
la met dans un couvent
en précisant tout simplement, sans complexes « …elle faisait à Dieu
les vœux de ne plus connaître d’homme et me laissait le fils… » Mais
le mariage projeté tardant à se réaliser, il prend pour quelque temps une
autre femme pour dit-il « …suppléer aux tourments de la chair… »
Et toujours ces sempiternelles contradictions venant du plaisir et du remord
d’avoir sacrifié au plaisir.
Ces dualités
exacerbent la sensibilité d’Augustin. Il cherche des signes envoyés par le
ciel. Il en reçoit, pour lui, ils sont très clairs. Par exemple, celui-ci
« …un jour que tu m’avais mis à la torture par un mal de dents qui
s’exaspéra au point de m’ôter l’usage de la parole, une idée me vint au
cœur : aviser tous les miens présents sur place qu’ils t’implorent en
ma faveur, Dieu de toutes les sauvegardes. Je l’écrivis sur une tablette que
je leur donnais à lire et soudain, à peine étions nous à genoux en posture
de suppliants…le mal est parti !... »
Une autre foi, il ouvre
au hasard un livre des œuvres de saint Paul et tombe sur une épitre aux
romains XIII-13-14 qui ordonne «… pas de ripailles, pas de soûleries,
revêtez-vous du seigneur Jésus … » Le verset 14 se termine par
l’abjuration « …et ne vous souciez pas de la chair pour en satisfaire
les convoitises… » Ces signes, ces messages ces mots de l’apôtre Paul
sont comme une lumière dans son cœur.
Alors qu’il adopte
une résolution de vertu, (Confessions 12-29-30) et en fils obéissant qu’il
est, il prévient Monique qui remercie Dieu avec lui. C’est ainsi, que
« …debout sur la règle de la foi… » Augustin prend les décisions
qui vont engager toute sa vie. Il va se vouer à combler le fossé qu’il
ressent entre le créateur et sa création. Classifier ce qu’est le bien et le
mal, les relations entre Dieu et l’homme, la grâce et le péché, l’empire
des cieux et ce bas monde, l’amour et le désir, la prédestination et la
liberté.
Pour lui, l’idée même
de liberté est une offense à Dieu.
Quand au mal, il est
partout selon Augustin, même chez le nouveau né. Il porte le fardeau de sa
propre naissance en disant « …qui me remémorera le péché de mon
enfance ? …nul n’est devant Toi pur de tous péchés, pas même
l’enfant qui n’a sur terre vécu qu’un jour… »
Ces élans de vertu et
de sentiments de culpabilité le conduisent à marcher encore sur les voies de
Paul mais aussi sur celles d’Origène.
Pour Paul « …Il est bon pour l’homme de ne pas toucher à la femme.
Quiconque n’a pas d’épouse pense aux choses de Dieux, mais quiconque est lié
par le mariage pense aux choses du monde et aux moyens de plaire à son épouse… »
Et, s’inspirant du pieux et castré Origène, dans son délire mystique,
Augustin ajoute « …Ah, si plus vigilant, j’avais apporté attention
aux tonnerres de tes écritures, si j’avais écouté tes paroles ! Si
plus heureux eunuque volontaire en vue du royaume des cieux
j’avais entendu tes embrasements… »
Pour Augustin l’homme
est condamné dès sa naissance. S’il
voulait se sauver il ne le pourrait pas lui-même. Il n’en a pas les moyens en
lui. Il est trop loin de Dieu. Il a besoin de la grâce du christ pout triompher
du péché.
Ce qu’est la grâce ?
Dans la pensée théologique, elle prend sa source dans les notions de salut et
de rédemption. C’est la grâce de l’élection et du rachat dépendant
chaque fois d’une intervention surnaturelle du fils de Dieu dans l’humanité.
Cette humanité dont la nature est fondamentalement perdue depuis la chute
d’Adam.
La grâce n’est pas
donnée à tous. L’humilité est la disposition essentielle pour la mériter,
mais pas forcément pour l’obtenir.
Augustin, après sa
conversion est devenu une sommité du christianisme. Il fait autorité dans cet
univers parfaitement réorganisé et policé par la jeune église catholique.
C’est
alors qu’apparaît un homme qui
osera se mesurer au grand Augustin. Il remet en cause la doctrine de la
faute héréditaire, l’impossibilité de faire son salut sans la grâce
divine, la prédestination.
Qui
est cet homme ? C’est un barbare du très obscur et lointain royaume
de Thulé. Il est venu des contrées les plus éloignées des brillants foyers
de culture méditerranéens. Il est venu du bout du monde là ou règne la mer
infinie. C’est d’ailleurs la mer qui lui a donné le nom avec lequel il est
rentré dans l’histoire : Pélage,
celui qui vient de la haute mer (pélagus). Pélage est Breton. Il est né en
360 au pays de Galle, région qui s’était vue imposer le christianisme.
Pélage, physiquement imposant, plein de fierté et de courage est doté d’une
inaliénable passion de la liberté. Il reçoit une éducation de premier ordre.
Vers l’âge de 23
ans, il se rend à Rome, capitale de l’empire, siège de l’église, monopole
de la culture et de la civilisation latine. Il étudie cette ville et reste
indifférent et inaccessible aux séductions du vice, à l’attrait
des richesses des familles romaines qui l’accueillent. Il augmente son savoir.
Et c’est d’Afrique
ou il s’est replié pendant
qu’Alaric ravage Rome que s’élève au grand jour la flamme de son hérésie
qui avait déjà depuis quelque temps troublé les esprits dans le vaste cercle
du clergé italien. Alors se découvre le vrai visage de cet « enragé en
qui hurle le diable » et à qui l’évêque Jérôme, auteur de la
« Vulgate » est trop content de rappeler ses origines barbares.
Dans l’histoire de
l’église, les vices et les mœurs dissolues ont toujours trouvés leurs
grands réformateurs. L’ambition de Pélage était tout autre. Pour lui ce
n’est pas dans l’homme que se trouve la cause d’un phénomène de dépravation
généralisée et le déclin de la foi, mais bien dans la doctrine chrétienne
elle même. Il stupéfie ses contemporains en contestant la doctrine de la
nature pécheresse de l’humanité. Il attribue le manque de responsabilité
morale précisément à cette croyance en la rédemption. Il affirme dans son
commentaire des 14 épitres de saint Paul que « …il n’est pas vrai que
la situation malheureuse crée par Adam et Eve ait eu des conséquences
terribles qui se soient transmises héréditairement à tous les hommes.
L’insoumission à Dieu se perpétue chez l’homme par l’imitation et la
force de l’habitude, non par l’hérédité…. » Il contredit la pensée
d’Augustin en affirmant que « …tel qu’il est crée par Dieu,
l’homme naît sans péché. Comment l’enfant qui vient au monde
aujourd’hui pourrait-il porter la charge d’une faute qu’il n’a pas
commise ? Comment les parents, sauvés par le sacrement du baptême
pourrait-ils par des moyens physiques, par le plaisir charnel de
l’accouplement transmettre une tare dont ils sont eux-mêmes déchargés ?
Le péché n’est pas une substance comme le croient les manichéens, mais un
choix devant lequel se trouve placé l’homme libre … »
L’homme peut donc
vivre sans péché ? Oui répond Pélage, s’il le veut ! C’est
dit-il, pure impiété que de taxer la justice divine d’un arbitraire par
lequel Dieu aurait destiné les uns au bien, les autres au mal par simple
caprice. Comme si Dieu, allait à sa guise se montrer bienveillant envers les
uns et cruel envers les autres ? La doctrine de la prédestination est un véritable
attentat à notre libre arbitre !
Il faut croire au sacré
qui est en l’homme et la femme refuser l’idée que le démon puisse troubler
leur vie. L’humain doit jouir d’une totale autonomie. Pélage dit et écrit
« …nous devons
croire en notre propre force, apprendre à connaître et à exploiter nos
propres ressources, car elles sont immenses. Nous possédons en nous-mêmes tout
ce qu’il faut pour nous conformer au divin… »
En défendant sa thèse
de la pureté de la nature humaine, en rétablissant la responsabilité humaine
de la puissance de la raison et de la morale, Pélage effaçait d’un seul coup
toutes les excuses par lesquelles les chrétiens se trompaient eux-mêmes. Il
balayait tous leurs prétextes commodes pour expliquer leurs faiblesses et leur
incapacité de renoncer au luxe et à la débauche. Il voulait réveiller leur
conscience en les exhortant à ne pas s’en remettre passivement à la grâce
et au salut divin. Il voulait les rendre actifs par son appel au libre arbitre.
Voulant recréer l’unité absolue entre l’humain c'est-à-dire entre
l’homme et la femme et Dieu, il refusait toute hiérarchie qui favorisait
l’un et abaissait l’autre. En Celte qu’il était encore, il ne pouvait
accepter l’idée que les malheurs de l’homme venaient essentiellement de la
nature perverse de la femme. Il ne pouvait accepter les condamnations décrétées
par Paul et reprises par Augustin telles que celles décrites dans Corinthien
XI-5 « …car si une femme n’est pas voilée, qu’elle se coupe aussi
les cheveux. Or s’il est honteux pour une femme d’avoir les cheveux coupés
ou d’être rasée, qu’elle se voile ! L’homme ne doit pas couvrir sa
tête puisqu’il est l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la
gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais
la femme a été tirée de l’homme. Et l’homme n’a pas été crée à
cause de la femme, mais la femme a été crée à cause de l’homme. C’est
pourquoi la femme doit avoir sur la tête à cause des anges une marque de
l’autorité dont elle dépend, c'est-à-dire de l’homme ! … »
Comme ses adversaires,
Pélage avait rencontré le divin, mais par d’autres chemins qu’eux. Il
affirme que Dieu ne nous a pas fait pour que nous refusions de voir les joies de
la vie, les merveilles de la nature et la beauté de tous les êtres. Je le cite
à nouveau, en y intégrant une pensée personnelle sur les relations
homme-femme « … est-il rien de plus affreux, de plus dur que de
s’opposer à la nature, de refuser tout ce qui est crée pour nous dans le
monde qui nous entoure, de ne pas voir cet univers qui s’impose à nous avec
toutes ses merveilles. Ce serait se figer dans l’image de la mort que de n’être
plus sensible à la vue, à l’ouïe, à l’odorat, au toucher, au goût et de
ne plus posséder la nature corporelle dans la nature de son corps. Ce
serait se détourner de ce qu’est véritablement la nature humaine… »
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Telle est la
protestation de Pélage. C’est la révolte contre les divagations de Paul et
d’Augustin particulièrement sur les définitions du bien et du
mal, du libre arbitre, de la prédestination et du sens des sacrements.
Mais la doctrine de Pélage
qui enseigne l’innocence de l’homme et la pureté de la nature humaine est
vite perçue comme le pire de l’hérésie et une menace pour la vérité
officielle de l’église. Dire que
dès sa naissance, l’enfant avait accès à la vie éternelle, que l’homme
naissait sans péché, c’était renier le baptême qui précisément lave
l’homme du péché originel. Si l’on nie la transmission héréditaire du péché
d’Adam et d’Eve, si l’on nie
le rachat de l’homme par la mort de jésus, que reste-t-il de la religion ?
Dire que l’homme peut
de par sa nature même vivre dans le droit chemin, c’est vider de son sens le
mystère de la croix. C’est affirmer que la perfection et le salut peuvent
exister sans le christ et son église ! Que reste-t-il alors si l’homme
est libre d’assurer par ses propres moyens sa vie éternelle. La croyance au
christ rédempteur et ressuscité devient superflue et absurde.
Il y a confrontation violente. Augustin poursuit son frère « égaré »
. Le synode de Jérusalem acquitte Pélage, malgré la réputation sans égale
d’Augustin surtout en matière d’hérésies. Lors d’un second synode à
Diapolis, en Palestine, Augustin échoue à nouveau.
A plusieurs reprises,
alors qu’Augustin est sur point d’emporter la victoire, le pape lui-même
vole au secours de Pélage. Il décrète que contre Pélage on a eu recours à
de fausses accusations, prêté foi à des calomnies et jugé trop rapidement.
Ainsi le pape Zozime réhabilite Pélage, celui qui a été injustement voué à
la malédiction, dit-il. Pour Augustin et ses évêques, c’est insoutenable.
Cela devient une guerre entre Carthage et Rome. Il s’adresse à l’empereur
à Ravenne. Le 30 avril 418, l’empereur Honorius bannit de l’empire le chef
de l’hérésie Pélage et son disciple Célestius. Le pape lâche Pélage, qui
est mis au ban de l’église. A Carthage, Augustin passe précise-t-il, de
« …l’obscure tristesse à la joie la plus intense… »
La « vérité » Augustinienne donc aussi celle de Paul a réussi à
s’imposer à Ravenne, à Rome, mais aussi à tout l’occident, avec son cortège
d’hypocrisie de tortures de crimes, de soif du pouvoir. Il s’en est fallu de
peu pour que l’esprit de Pélage porteur d’une vision du sacré à dimension
humaine souffle dans les sentiers étriqués de l’église et conquiert le
monde, démontrant à l’humain que le sacré n’est pas que dans les temples,
les églises ou les livres saints. La dure bataille entre ces deux titans aura
duré 18 ans.
L’église victorieuse
fait tout pour faire disparaître l’hérésie par la multiplication de
missives et prêches, excommunications, interdictions d’accès aux sacrements,
exils, destructions des textes hérétiques, terreur, etc.…Elle multiplie ses
efforts pour étouffer les germes du Pélagisme qui réapparaissent de toutes
part. Ce Pélagisme qui comme le dit l’évêque Julien à presque changé la
face du monde.
Pélage à été déporté
dans les sables du désert d’Arabie. On ne sait ce qu’il est devenu.
Hung !